Quand la création dépasse l'appellation

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Appellation d'Origine Protégée

Le "Label" Appellation d'Origine Protégée (on ne dit plus Contrôlée !) impose aux vignerons le respect de certaines règles. "Tant pis pour l'AOP" disent certains, désireux d'intégrer à leur assemblage telle parcelle fabuleuse ou tel cépage interdit : cette cuvée "hors normes" sera un "vin de pays" (on dit maintenant "Indication Géographique Protégée") ou un "vin de France".

Aimé Guibert a planté du cabernet sauvignon là où c'était interdit pour l'appellation, mais scientifiquement justifié : Mas Daumas Gassac est aujourd'hui encore un "simple" IGP Pays d'Hérault. Et quel IGP en 2010 !

Au moment de la création de l'AOC Baux de Provence, le Domaine de Trévallon, s'est vu déclassé en Vin de Pays: trop de cabernet sauvignon, limité à 20% de l'assemblage dans la nouvelle appellation ! Le fait que Trévallon soit un "simple" IGP Alpilles a sans doute contribué au mythe de ce grand vin de garde de Provence ! D'ailleurs Le Guide RVF des Meilleurs Vins de France publie dans son édition 2015 un commentaire sur le millésime 2004 Le grand millésime 2004 s'est ouvert avec beaucoup de fraîcheur (tabac, laurier, garrigue, etc.). Il présente une matière concentrée mais sans aucune lourdeur. Dix ans après, c'est un rouge en pleine forme pour cet hiver mais vous pourrez le conserver en cave encore 6 ou 7 ans.

L'exemple des Etats-Unis : Russian River

La France "officielle" pourrait s'amuser de la vision des AOP outre atlantique : l'appellation Californienne Russian River a été créée en 1983 grâce à l'influence spécifique d'un fameux brouillard frais venu de la côte. L'appellation a été officiellement étendue en 2005, pour passer de 39.000 hectares à 51.000. Pour faire bref, la dernière extension date de 2011 et finalement, les vignes qui bénéficient du fameux brouillard frais s'étendent aujourd'hui sur plus de 68.000 hectares ! Les mauvaises langues diront qu'un vin est plus facile à vendre avec une étiquette Russian River... les autres apprécieront que le brouillard se propage plus largement en 2011 qu'en 2005 !

Oubliez les étiquettes !

En France, nos vignerons élaborent d'abord les cuvées qui leur plaisent, même si elles sont "hors normes", et la problématique de vente n'apparait qu'après. Nous vous présentons aujourd'hui des vins dont la qualité n'a aucun rapport avec la modeste appellation qu'ils portent: c'est le talent du vigneron et la connaissance parfaite de son terroir qui ont permis la naissance de ces cuvées hors du commun.

L'Âme Soeur 2011 de Stéphane Ogier, la bien nommée : les schistes de la rive droite qui ressortent de l'autre côté du Rhône, à Seyssuel. Résultat : voici un "IGP des Collines Rhodaniennes"... mais avec un terroir semblable à la fameuse Côte Brune, et une exposition peut-être meilleure: il faut comparer l'Âme Soeur aux meilleurs Côte-Rôtie, et à l'aveugle s'il vous plaît ! L'excellence et le caractère bien spécifique des vins produits à Seyssuel donne d'ailleurs des idées à l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine), et il ne serait pas surprenant de voir naître une nouvelle Appellation d'Origine Protégée "Seyssuel" d'ici quelques années.

Un peu comme à Seyssuel, quelques vignerons doués dénichent des terroirs extra-ordinaires, et se passent le mot. C'est par exemple le cas de certaines vignes situées à Langlade (en Languedoc): René Rostaing (grand vigneron de Côte-Rôtie) y réalise son Puech Noble (depuis encensé par Parker), et Rémy Pedreno, qui a un temps travaillé à Puech Noble, y a aussi créé son fameux Roc d'Anglade, un des vins les plus fins du Languedoc - adulé par les sommeliers mais peu connu du grand public - en simple "IGP Gard", et dans les trois couleurs s'il vous plaît ! Ceci grâce à des terroirs argilo siliceux sur marnes calcaires exposés au nord, permettant ainsi l'élaboration de vins exceptionnellement fins, doux et frais, aux antipodes des stéréotypes languedociens où le soleil "dope" naturellement les vins.

Le Pigeoulet des Brunier est le "vin de tous les jours" de la famille Brunier, installée à Châteauneuf-du-Pape au Domaine du Vieux Télégraphe. Il vient de l'assemblage particulièrement complémentaire de deux parcelles géographiquement très éloignées : l'une au nord d'Avignon, l'autre sur les contreforts du Mont Ventoux ! Résultat : "IGP du Vaucluse" au lieu d'une appellation plus illustre comme Côtes du Rhône Village, Gigondas ou Ventoux. Un superbe vin rouge pour une dizaine d'euros.

Sainte Agathe 2012 est le "simple" Côtes du Rhône rouge du Domaine Georges Vernay (vous savez, les immenses Condrieu). Mais comment parler de simplicité, alors que ce vin est vinifié comme un très grand cru, avec une garde annoncée de 3 à 10 ans, issu de très vieilles syrah (40 ans), élevé un an en fûts de chêne (mais pas neuf)... Le hic: Sainte Agathe provient de vignes "rouges" classées en appellation Condrieu (vin blanc), qu'il serait un crime d'arracher pour planter du viognier. Vendu une vingtaine d'euros, combien vaudrait-il si son appellation était plus illustre ?

Bref, chaque grand vigneron "s'amuse" avec son terroir et ses cépages... sans avoir systématiquement besoin d'une jolie (appellation;-) russe, comme Russian River.

Alors oubliez les étiquettes et faites confiance au savoir-faire de grands vignerons et leurs terroirs !

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