Pourquoi les grands vignerons privilégient les levures indigènes ?

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Qu’est-ce qu’une levure ? à quoi ça sert ?

La levure est le micro organisme indispensable qui, par son action, transforme le sucre du raisin en alcool. A la fin de ce processus (la fermentation alcoolique), les levures mortes (lies) peuvent rester en contact avec le vin, parfois avec un « batonnage » plus ou moins fréquent (pour remettre les lies en suspension et optimiser ce contact), en fonction des résultats souhaités par le vigneron sur son vin. C’est en fin d’élevage, avant la mise en bouteille ou pendant celle-ci, que ce dernier décide ou non de les éliminer (par une filtration plus ou moins fine, ou tout simplement en les laissant se déposer au fond de la cuve).
On l’a compris, les levures font partie intégrante du vin, et participent activement à ses propriétés organoleptiques : arômes, structure, goût…

Un peu d’histoire…

Avant les années 1970, le vigneron, après avoir rentré sa vendange au chai, voyait ses raisins fermenter sans se poser de questions : la fermentation se lançait automatiquement grâce aux levures naturellement présentes dans les vignes et donc sur la pruine (la peau) du raisin.  Des levures étaient aussi présentes dans les chais et sur le matériel, pas toujours aseptisé. Ces levures « déjà présentes » sont de natures très diverses selon les terroirs, les climats, etc. et sont appelées les levures « indigènes ».

Depuis les années 1970, Le monde viticole a vu apparaitre des produits créés en laboratoire pour se substituer à de nombreuses tâches manuelles des vignerons (désherbage notamment, lutte contre les maladies). Les préoccupations environnementales n’étaient pas celles d’aujourd’hui, et l’usage de ces produits s’est généralisé, sans les précautions d’avant commercialisation qui semblent naturelles en 2015. Malheureusement, des « effets secondaires » ont pu apparaître çà et là : destruction de la vie microbienne et donc des levures « indigènes », avec pour conséquence des « départs en fermentation » beaucoup plus difficiles à obtenir « naturellement ». D’où le développement, pour pallier à ces problèmes, ou tout simplement pour «rationnaliser» le processus de la fermentation alcoolique, des levures « exogènes » produites en laboratoire, appelées aussi LSA (levures sèches actives). Il est ainsi devenu possible de « choisir » les levures en fonction du résultat souhaité sur le vin : arômes, goûts… et donc de se substituer à ce qu’auparavant la nature décidait, pour adapter son « produit » à telle ou telle mode : Aujourd’hui, Il existe environ 250 souches de levures « de synthèse » différentes, parmi lesquelles le vigneron ou l’œnologue choisit la plus adaptée à son objectif odorant et gustatif.

Sans rentrer dans le débat « pour ou contre », on voit que les levures exogènes aident à produire des vins réguliers et adaptés à certains marchés. Les levures exogènes sont donc vite devenues indispensables aux industriels du vin, les « gros faiseurs ».

Quid des grands vignerons ?

A l’inverse, les meilleurs vignerons n’ont pas d’impératifs économiques, et encore moins besoin de s’adapter à un marché quelconque, puisqu’ils n’ont jamais assez de vin pour faire face à une demande aujourd’hui mondialisée. Cette demande, et leur renommée, est justement assise sur le caractère unique de leurs vins, donc à leur savoir-faire, certes, mais aussi à leur terroir, qui rend leurs différentes cuvées si recherchées et impossibles à « copier » ailleurs. Un raccourci un peu simpliste mais non dénué de bon sens permet de comprendre pourquoi tous les grands vignerons ont donc choisi depuis longtemps de ne pas utiliser de levures exogènes, mais bien les levures présentes sur leur terroir, les fameuses levures indigènes (qui sont elles aussi très variées).

Il ne s’agit pas d’un choix facile, car ces levures « naturellement présentes dans l’environnement » sont souvent très fragiles et peuvent vite « dévier »… et le goût des vins en résultant avec ! Autre souci : des fermentations qui ne vont pas jusqu’à leur terme par manque de levures, etc. etc. La « vinification spontanée » (à base de levures indigènes) est donc très délicate et nécessite la mise en œuvre de gros moyens pour un résultat qualitatif : sulfitage minimum, hygiène irréprochable des locaux et du matériel, vendange de qualité sanitaire impeccable et non molestée, délais d’encuvage très courts…

On comprend pourquoi la plupart des grands vignerons sont respectés par leurs pairs : quel boulot !

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